lundi 16 février 2009

La slamille sherbrookoise communique!

Depuis quelque temps, les réflexions et projets fusent des quatre coins de notre valloneuse ville concernant la poésie et le slam. Je me permets de vous partager deux textes de nos renardes estriennes Véronique Suzanne et Anny Shneider.

Bonne lecture,

Votre dévoué hôte

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Réflexions sur l’utilité du Slam québécois

Parfois le slam me fait penser à ma première langue, le dialecte Alsacien. Celui-ci est langue uniquement orale, mimique quasi-corporelle faite à l’image de son usager et son histoire : intériorité massive, indivise, jamais finie, peut-être inexprimable au total et s’acceptant comme tel.

Nature brute du frontalier qui erre entre plusieurs cultures et plusieurs identités, avec un patrimoine intérieur que ce patois explosif, qui tient à la fois du cri et du bégaiement. C’est un langage proprement maternel, formaté à la sauce individuelle d’après notre répertoire mémnique, retenu ou craché, des sentiments et des nuances de mots archivés selon la priorité des émotions, des pensées et des pulsions…

Dans le verbe parlé, on ne peut manifester rien de totalement explicite, mais seulement s’en approcher : évoquer, rappeler transmettre des intentions et des désirs, par une gesticulation verbale à laquelle suppléera bien vite la désignation matérielle tentant de décrire des objets indicibles, figés quand ils sont nommés selon les conventions.
Parler, pour nous, c’est d’abord toucher, ensuite s’il le faut et qu’on le veut, livrer en mots des allusions insondables sur ce qui se passe au fond de nous-même. Ainsi, notre subjectivité emprisonnée se trouve à la fois occultée et révélée, en tentant de transcrire dans le discours, au moyen de signes précis et d’une syntaxe rigoureuse mise au service de l’analyse intellectuelle. Mais elle se révèle mieux en acte sauvage, par la poésie mimée, librement exprimée, beaucoup plus riche et nuancée, et avouons-le, plutôt agréable à partager, sensation décuplée si on est bien accueilli…

Slammer, c’est aussi faire confiance et se faire confiance… La satire, les niaiseries folkloriques et anecdotiques, la musicalité des mots, la parodie et la véracité de l’expression du diseur et ses mots choisis, agencés dans une forme unique à lui, sont libérées et libérateurs, grâce au verbe bien utilisé.

Le langage poétique, d’autant plus appuyé par des émotions bien senties, est la seule alternative aux conventions de l’écrit figé, somme toute réducteur, tyrannique et voué au silence d’un dialogue sans écho. Car la pauvreté des conventions langagières de l’écrit trahit autant qu’elle l’épuise. Le paradoxe est flagrant, face à l’oralité libérée où s’exprime cette intériorité nue du sentiment, nu, cru et sans défense, proche des larmes, du rire ou de la fureur, comme ceux de l’enfant. Les Québécois comme les Alsaciens, abandonnés à leur seule mémoire, trois fois plutôt qu’une , ont été eux aussi, victimes aussi bien que complices d’une expropriation spirituelle, linguistique et culturelle. Comme eux, nous sommes floués de naissance, comme tout le monde certes, mais un peu mieux encore. C’est notre consolation mais aussi notre cause de fierté.

Que l’art sauvage de la parole libérée et librement partagée reprenne tous ses droits de cité! Avec le slam, surtout grâce à la jeunesse, par essence toujours plus éveillée, la parole reconquise par le peuple dont elle est issue et les univers fabuleux qu’elles révèlent assureront la pérennité de cette langue si riche qui ne peut faire autrement pour survivre, qu’être déclamée et écoutée, ainsi même perpétuer l’essentiel des perles reçues des anciens.

Grâce au slam, on peut, grâce au verbe panacée, reprendre la rue et toutes les tribunes possibles. Longue vie à l‘oralité française d’Amérique libérée, à Sherbrooke comme ailleurs!

Anny Schneider, auteure, herboriste et petite slameuse en début de croissance, Shefford, fin janvier 2009

(Partiellement inspiré de René Ehni dans : Babylone vous y étiez nue parmi les bananiers, Editions 10-18 à Loos, France1973)

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Le slam


C est de la rencontre dans l’instantané de 3 minutes et moins que tout se joue. entre un auteur/acteur qui performe à gagner , un texte prétexte et un public ani-amateur.
Dans cette trilogie, se crée une force de poussée à l’ alchimie incertaine.
C est la magie du direct
Un texte plat peut devenir un bijou bien slamisé
Un texte ciselé peut devenir un plat joujou de risée
Un texte vibrant peut librement vibrer


Le slam est la Saisie Libre et Animée des Mots.

Véronique Suzanne


Prochain article : Du slam en prison?

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