mardi 6 janvier 2009

Nous ne cèdrerons pas

À deux jours de la prochaine sortie poétique de la slamille sherbrookoise, je dois avouer la fébrilité de chaque fibre de mon derme intégralement biologique.

Fébrile car la communauté qui gravite maintenant autour de la poésie qui submerge le Tremplin est en constante croissance et en permanente évolution de sa conscience sociale et du pouvoir de sa parole.

Je me permets une parenthèse.
À celles et ceux qui croient que la compétition dans une soirée slam sert à bâtir un «style propre au slam», à valoriser la réussite ou à maintenir un culte de la personnalité sont à mon avis très peu conscientEs de ce que les gens (je parle ici surtout du public) viennent partager dans une soirée, c'est-à-dire leur écoute, leur conscience.

Cet effet du slam sur la conscience sociale a été détaillé par Cristin O'Keefe dans A Guided Tour Through Twenty Years of the New York City Poetry Slam, par plusieurs témoignages de slamestres en France ainsi que par le nombre croissant de projets de slam de poésie dans les écoles, les milieux défavorisés et les milieux de vie en perte de communauté (comme Sherbrooke, mais ce pourrait être n'importe où dans le monde...). Le lieu de slam le plus actif au monde, le Nuyorican Poet Cafe, a clairement profité de cet effet pour redéfinir un lien d'humanité dans un quartier qui se voyait complètement désarticulé par les écarts sociaux, le désinvestissement publique et l'individualisme.

Les fameux-ses finalistes des soirées de slam reflètent cette conscience sociale d'une communauté et puisque le public est invité à participer à l'évènement et à mettre à jour sa subjectivité, cette communauté s'ouvre du même geste à redéfinir sa conscience, ses symboles, son histoire. Il en revient aux poètes et poètesses de franchir habilement, par le biais de la poésie et de la performance, cette terre d'accueil et à la submerger pour en refaire la géographie.
Fin de la parenthèse :)

D'assister à tout cela, depuis un an, m'emplit d'espoir et de respect.

Fébrile d'une façon plus tragique en écrivant ces mots tout réfléchissant au carnage israëlien en Palestine qui sert une mascarade politique, aux émeutes en Grèce qui sévissent suite à une crise sociale enflammée par le meurtre d'un adolescent par la police nationale et à tant d'autres tragédies qui perdurent dans un silence accablant. Seul les mots de Mahmoud Darwiche me réconforte :

L'espoir est la maladie incurable des Palestiniens. Notre fardeau. Je refuse l'esprit de défaite et m'accroche à l'espoir fou que la vie, l'histoire, la justice ont encore un sens. J'ai choisi d'être malade d'espoir. La poésie est fragile. C'est ce qui en fait sa puissance. Si elle tentait d'affronter les tanks, elle serait écrasée. La poésie a la fragilité de l'herbe. L'herbe paraît si vulnérable, mais il suffit d'un peu d'eau et d'un rayon de soleil pour qu'elle repousse.

Nouvel observateur, février 2006

Fébrile, finalement, car la soirée du 8 janvier s'annonce comme étant la meilleure façon de débuter l'année. Une quinzaine de personnes, dont 3 de Montréal!, déchainerons passions, humour, sensibilités, réflexions dans nos caisses de résonnance charnues. David Goudreault viendra notamment nous asséner le coup de départ. Aussi hâte de voir et d'entendre la réponse du public face à notre Grand Chelem Poétique et quelle issue Edmé Étienne, notre poète invité venant de Québec, y amènera.

Mais ma fébrilité atteind son comble concernant ce fameux Grand Chelem. Ayant déjà annoncé le prix qui est en jeu dans cet exploit oral, un bâton de baseball des Cubs de Chicago, j'ai la fibrilité qui s'enflamme à vous en annoncer davantage. J'ai eu confirmation que le bâton en question sera amicalement autographié par Mark Smith, fondateur et père spirituel du mouvement de slam poésie.

Je suis donc fébrile. Le bain de foule fera du bien.
Puis l'espoir me revient en relisant l'introduction que j'ai écrite pour l'équipe du Tremplin au Grand Slam '08. Je vous le partage après ces deux derniers mots que je martèle comme un forgeron sur l'acier de vos regards.

Amitié et solidarité,

Frank Poule


clin d'oeil d'outre-mer pour un cousin paumé (Bastien)

à Sherbrooke on est paumé
mais on a bien de la peau
on est dépossédé
pas de cd à vendre
(mais on en a à donner!)

on a ni le Capitol ni le Capital
mais on se catapulterais sur n'importe quelle scène
pour même pas une cenne
personne nous barre la route
on joue sans capot on est décapotable!
et on capitulera pas

on est lié par la peau/hésiter pas à venir
dans notre abris tempos
on patauge toutt dans l'même étang-porel
on est des pores
qui respire d'un même souffle la souffrance rance
all at the same rank
on vit toutt dans l'même ranch
on est presque la famille Daraîche
des maréchals Ferron qui s'ammarent à leur rimes et chante Ferré
pour femer l'odieuse ode rêche des nouveaux Reichs

On est pas riche
but each of our reactions is reaching our goals
enriching with gold these old dreams that make our realm real
on trime fort
we flow in the same stream
not the mainstream

on se maintient comme des aimants
comme des amants qui s'tiennent la main place Tian'anmen
nous sommes les jointures d'un pentagone d'humanitude
et on vous doigt tant
qu'on vous le tend

on est des autochtones qui tonnent :
« Toc!Toc! » « Hug! Hug! »
We wanna hug you
so come in our wig-wam
vous serez le ying on sera le yang
pis ça sera le big-bang
on est un big band
magnétique, élassstique
estie qu'on stick

on est des slamifères, des ouragan-outans de la sherbrousse
qui jungle avec les sons
nous sommes effrênés, déchênés et ne cèdrerons devant rien
car il forêt-ver
rêver heavy
et vivre la poésie dans la peau
et le poème dans la paume

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